A Calais, des renforts sécuritaires et des moyens pour « humaniser » l’accueil des migrants
Le Monde.fr | • Mis à jour le |Par Maryline Baumard (envoyée spéciale à Calais)
Des places supplémentaires pour héberger les femmes et les enfants migrants, un effort pour susciter des demandes d’asile et même un hébergement temporaire d’un mois pour « tous ceux qui le souhaitent »… pourvu qu’ils quittent la région de Calais. Le ministre de l’intérieur Bernard Cazeneuve est venu dans le Pas-de-Calais, mercredi 21 octobre, pour rencontrer les associations, les élus, la procureuse, et donner un coup d’accélérateur à la politique qu’il a mise en place.
Lors d’une conférence de presse, il a annoncé deux volets de directives qui doivent à la fois « humaniser » l’accueil des migrants qui vivent dans la lande calaisienne dans une extrême précarité, en attente d’un passage pour la Grande-Bretagne ; et renvoyer vers leur pays « ceux qui n’ont pas vocation à s’installer en France », grâce à un renfort des forces de l’ordre.
La stratégie du ministre, que certaines associations jugent irréaliste, a le mérite de la clarté. Bernard Cazeneuve veut verrouiller la frontière pour réduirel’attractivité du campement calaisien. Il fait le pari qu’en renforçant les forces de l’ordre sur les lieux, il empêchera les migrants de passer par le tunnel sous la Manche ou par le port. « C’est le seul moyen de gérer la situation de Calais »,a-t-il répété dans la mairie de Calais, face à la presse.
Prévenir les arrivées à Calais
La partie sécuritaire est un élément clef de sa stratégie du ministre. Chaque fois qu’il parle immigration, le ministre rappelle qu’il faut renvoyer « ceux qui n’ont pas vocation à rester sur le territoire ». M. Cazeneuve propose aussi de prévenirles arrivées à Calais : les contrôles seront augmentés sur les routes qui conduisent à cette ville. Ces dernières semaines, de nombreux nouveaux venus sont arrivés là après avoir traversé la frontière belge. Le ministre a aussi précisé hier que « 1 500 migrants de Calais ont été renvoyés sur les 9 premiers mois de 2015, alors qu’ils n’avaient été que 1 784 sur toute l’année 2014 ».
Au-delà des moyens policiers, le ministre veut mettre l’emphase sur la proposition d’asile. Pour susciter l’envie de rester en France, Bernard Cazeneuve a annoncé que des maraudes seraient réalisées par le personnel de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), accompagnés de policiers. Leur mission sera de convaincre un plus grand nombre de réfugiés que la France est une terre d’accueil. Pour rendre ses propos convaincants, il a annoncé que 2 000 places en centre d’accueil de demandeurs d’asile (CADA) seront spécialement attribuées aux demandeurs calaisiens. Un effort considérable compte tenu du faible nombre de ces structures d’accueil dans l’ensemble du pays.
200 places pour les femmes et les enfants
Aujourd’hui, dans le Calaisis, plus de 6 000 personnes vivent dans des conditions déplorables, dans des tentes protégées par des bâches ou dans des abris de fortune. Le premier ministre Manuel Valls avait annoncé le 31 août que 1 500 migrants pourraient bénéficier d’une mise à l’abri sur place avant décembre. Le ministre de l’intérieur a aujourd’hui décidé de créer 200 nouvelles places dans des tentes chauffées pour les femmes et les enfants. Il propose par ailleurs d’offrir une halte d’un mois ailleurs en France à tous ceux qui le souhaiteront. Les discussions sont en cours avec les préfectures et déjà, selon son cabinet, trois lieux pourraient être ouverts dès la semaine prochaine.
La maire (LR) de Calais, Natacha Bouchart, a annoncé son soutien au plan de Bernard Cazeneuve, se félicitant de « l’engagement personnel du ministre sur le sujet ». Reste à savoir si les associations que le ministre a appelées à la coopération répondront à cette demande. Christian Salomé, de l’Auberge des migrants, se demande s’il « est bien judicieux de tenter d’envoyer à l’autre bout de la France, fût-ce pour qu’ils s’y reposent, des gens qui sont à 30 kilomètres de leur destination, puisqu’ils veulent passer en Grande-Bretagne où les attend une partie de leur famille. Ils ont fait des milliers des kilomètres pour arriver là ». Jean-Claude Lenoir, de Salam, s’inquiète lui que « les camps du Dunkerquois ne grossissent largement si les passages vers la Grande-Bretagne deviennent plus difficiles ». Celui de Grande-Synthe, dans la banlieue de Dunkerque (Nord) a dépassé les 1 000 migrants. Ils étaient 80 en juin dernier.
Il y a une dizaine de jours, le défenseur des droits, Jacques Toubon, rendait un rapport critiquant l’état d’insalubrité des lieux. Hier, une pétition lancée par des grands noms de la culture et signée par 800 personnes dénonçait l’indécence de cet accueil. Une mobilisation à laquelle M. Cazeneuve souhaitait répondregrâce à ces annonces.
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